La Licence Contributive Commons

Introduction

La question de la crĂ©ation et de la mise en circulation d’une licence Ă  rĂ©ciprocitĂ© basĂ©e sur les communs n’est pas nouvelle1 mais elle se pose dĂ©sormais avec encore plus d’acuitĂ© dans la mesure oĂč de plus en plus de communautĂ©s se regroupent autour de communs (qu’ils soient informationnels ou tangibles). En effet, “L’économie des communs est pour ainsi dire victime d’un paradoxe malthusien : les projets (et les besoins) se dĂ©multiplient Ă  une vitesse exponentielle, Ă  mesure que l’économie commerciale classique dĂ©lĂšgue de plus en plus d’activitĂ©s aux communs.”2. Il devient donc important de qualifier les Ă©changes de ces structures Ă©mergentes entre elles et avec les structures prĂ©existantes. Nous proposons dans cet article d’analyser les raisons d’un dĂ©ploiement qui peine Ă  dĂ©marrer et d’envisager une façon efficiente de dĂ©bloquer la situation.

Notons, avant de démarrer, que :

  • la rĂ©ciprocité est l’état, la qualitĂ©, et le caractĂšre de ce qui est rĂ©ciproque.
  • rĂ©ciproque se dit en parlant de deux personnes ou de deux choses dont chacune exerce sur l’autre une action Ă©quivalente Ă  celle qu’elle en reçoit.
  • Ă©quivalente signifie qui est de mĂȘme valeur.
  • la valeur dĂ©signe Ă  la fois la qualitĂ© ou justesse d’une chose, d’une idĂ©e, d’un ouvrage, la noblesse de caractĂšre d’une personne, l’importance ou l’intĂ©rĂȘt que l’on porte Ă  un ĂȘtre, Ă  une chose, Ă  un phĂ©nomĂšne ou Ă©vĂ©nement, Ă  une chose intellectuelle ou morale, l’idĂ©ologie ou rĂšgle morale d’une personne ou d’un groupe, la juste signification d’un terme suivant l’usage reçu, l’amplitude lumineuse dĂ©finissant une couleur, la durĂ©e d’une note, la mesure d’une grandeur,… et parfois aussi le prix (monnaie, titre, action, obligation)3.

De la dissémination unilatérale à la transaction réciproque

Les licences Ă  rĂ©ciprocitĂ© ne cherchent pas Ă  Ă©merger dans un monde vierge de toute tentative d’utiliser des moyens standardisĂ©s visant Ă  accorder des permissions de droits d’auteur supplĂ©mentaires Ă  leurs Ɠuvres. Avant elles, les licences dites libres, et particuliĂšrement les Licences Creative Commons ont pris leur essor, proposant d’apporter “un Ă©quilibre Ă  l’intĂ©rieur du cadre traditionnel “tous droits rĂ©servĂ©s” crĂ©Ă© par les lois sur le droit d’auteur”.

La particularitĂ© de ces licences, c’est qu’elles fonctionnent sur le mode de la dissĂ©mination. Une fois l’Ɠuvre produite puis libĂ©rĂ©e par son auteur, celle-ci poursuit son chemin librement, simplement affublĂ©e d’une Ă©tiquette qui indique Ă  l’utilisateur ce qu’il peut en faire ou non. Il n’y a gĂ©nĂ©ralement pas d’interaction directe entre l’auteur et l’utilisateur, sauf dans les cas avĂ©rĂ©s et portĂ©s devant la justice de litige sur le respect des conditions de la licence. Cela sous-entend par ailleurs que cette Ɠuvre a une capacitĂ© de vie autonome, loin de son ou ses gĂ©niteurs, et que la mise en relation auteur-utilisateur n’intervient que dans l’éventualitĂ© d’un conflit.

Une licence Ă  rĂ©ciprocitĂ© quant Ă  elle viendrait introduire la notion de transaction entre l’auteur et l’utilisateur. On ne dissĂ©mine plus, on cherche Ă  faire sociĂ©tĂ©, et c’est lĂ  toute la difficultĂ© de la question. DĂšs lors que l’auteur et l’utilisateur doivent se mettre d’accord sur un protocole de communication et d’évaluation4, les notions de libertĂ© individuelle et d’autonomie s’attĂ©nuent inĂ©vitablement. Il faut accepter une contrainte, fut-elle minimale, pour rendre possible le dialogue avec l’autre.

En partant de ce constat, il devient Ă©vident qu’une licence Ă  rĂ©ciprocitĂ© effective ne peut plus s’inspirer directement des licences dites libres. Il lui faut trouver sa propre voie hybride, entre la fermeture du Copyright et l’ouverture du libre, tout en veillant Ă  garder la possibilitĂ© d’une articulation avec ses grandes sƓurs.

Le respect du pair comme condition de la réciprocité

Si l’on observe les premiĂšres tentatives de dĂ©finition de licences Ă  rĂ©ciprocitĂ© (Peer Production License5, Fair Common Generic License, Copyfair License, FairlyShare), l’on constate que la proposition de rĂ©ciprocitĂ© est tuĂ©e dans l’Ɠuf dans la mesure oĂč l’auteur.e cherche Ă  imposer sa vision (morale, sociĂ©tale, commerciale
) au sein mĂȘme de la licence (y compris jusque dans son nom) et parfois pour une durĂ©e Ă©ternelle aprĂšs lui, sur le mode des Creative Commons. On ne peut pourtant pas Ă  la fois chercher la rĂ©ciprocitĂ© dans le lien et s’affranchir de toute interaction avec l’interlocuteur. En cherchant Ă  maĂźtriser la qualitĂ© de la transaction (en gĂ©nĂ©ral pour se prĂ©munir d’un abus potentiel ou en imaginant anticiper une Ă©valuation constamment et universellement mesurable), l’auteur s’éloigne immĂ©diatement de la notion mĂȘme de pair Ă  pair chĂšre Ă  Michel Bauwens6, rompant du mĂȘme coup avec la philosophie qu’il cherche Ă  incarner. C’est lĂ  toute l’ambivalence implicite de ces licences. La question qui se pose-lĂ  est bien de dĂ©finir si une licence qui se dit « pair Ă  pair » a vocation Ă  tenter de rĂ©tablir des rapports considĂ©rĂ©s comme structurellement dĂ©sĂ©quilibrĂ©s en insĂ©rant du « top down » pour agir volontairement sur cet Ă©tat de fait et si, ce faisant, on reste dans l’esprit du pair Ă  pair.

LĂ  oĂč le Copyright, la gratuitĂ© ou l’interdiction d’utilisation commerciale, qui peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des choix radicaux, s’imposent aisĂ©ment par la dissĂ©mination, la complexitĂ© ouverte par la transaction financiĂšre n’est plus rĂ©ductible Ă  une loi universelle et unilatĂ©rale. Il devient nĂ©cessaire d’établir des critĂšres d’évaluation de la transaction, critĂšres qui ne sont pas uniquement fondĂ©s sur le flux monĂ©taire mais Ă©galement sur un faisceau de richesses7 parfois difficilement quantifiables comme la satisfaction des parties ou la gratitude. Qui dit rĂ©ciprocitĂ©, dit Ă©coute des besoins de l’interlocuteur Ă  la mĂȘme mesure que ceux de l’auteur dans un Ă©change de pair Ă  pair (pour mĂ©moire, dans un rĂ©seau informatique P2P, chaque ordinateur est Ă  la fois client ET serveur).

Notons d’ailleurs que cette question n’est pas nouvelle et fut soulevĂ©e dĂ©jĂ  par la diffĂ©rence notable entre « Logiciel libre » et « Open source » qui a causĂ© une controverse avec Richard Stallman et la Free Software Foundation. « Le mouvement pour le logiciel libre a dĂ©fini des rĂšgles sur des principes Ă©thiques, celui pour l’open source (qui en dĂ©coule) a proposĂ© une traduction fonctionnelle. Cela a dĂ©clenchĂ© des diffĂ©rends relatifs au respect de ces principes. Les dĂ©fenseurs du logiciel libre considĂšrent que le logiciel libre est une affaire de philosophie, tandis que les partisans de l’open source rejettent toute philosophie »8.

On constate que, lĂ  encore, Ă©thique et commerce ont Ă©tĂ© considĂ©rĂ©s comme incompatibles avec d’un cĂŽtĂ© des personnes tentant d’imposer leur propre vision de ce qu’est l’éthique, et de l’autre des personnes refusant catĂ©goriquement la rĂ©gulation de la transaction proposĂ©e par cette Ă©thique au nom de la libertĂ© (notamment d’opinion).

Des (biens) communs et des communautés à géométrie variable

Par ailleurs, lĂ  oĂč une Ɠuvre de l’esprit peut ĂȘtre dite libre et oĂč son auteur lui ouvre le chemin de l’autonomie en tant que bien commun universel, les communs qui cherchent Ă  Ă©tablir une rĂ©ciprocitĂ© dans le lien n’ont souvent pas cette capacitĂ© d’autonomie intrinsĂšque. Ce sont gĂ©nĂ©ralement des projets gĂ©rĂ©s et protĂ©gĂ©s par une communautĂ©, dans un cadre prĂ©cis et avec des faisceaux de droits complexes permettant de qualifier chaque interaction avec le bien commun (qui a le droit d’accĂšs, qui a le droit de gĂ©rer, qui a le droit de prĂ©lever dans le cas de biens tangibles, etc
). Nous ne sommes alors plus dans le cadre d’une Ɠuvre crĂ©ative qui voyage et dont le droit de propriĂ©tĂ© initial est dĂ©finitivement libĂ©rĂ©.

Prenons l’exemple d’une base de donnĂ©es dĂ©veloppĂ©e sous la forme d’un commun, ou d’un lieu urbain gĂ©rĂ© comme un commun, ou encore d’une bibliothĂšque d’Ɠuvres mise Ă  disposition en tant que commun : en aucun cas l’utilisation de ce commun ne donne lieu Ă  un transfert de propriĂ©tĂ©. Et c’est bien aussi pour cette raison que la question de la rĂ©ciprocitĂ© se pose : la communautĂ© veut et doit veiller Ă  ce que le bien commun soit prĂ©servĂ© sur la durĂ©e. Ce type de bien commun appartient de facto Ă  la communautĂ© qui en prend soin, fut-elle Ă  gĂ©omĂ©trie variable.

Pourquoi crĂ©e-t-on un commun ? Quelle que soit sa nature, ce qui importe au fond c’est de prĂ©server les conditions de sa multiplication et/ou de sa propre conservation en vue de garantir une jouissance collective pĂ©renne, durable et renouvelable. PlutĂŽt que d’opposer les ressources comme Ă©tant inĂ©puisables ou ne l’étant pas, nous proposons donc de les considĂ©rer comme globalement inĂ©puisables Ă  condition de prĂ©server localement les conditions de leur renouvellement en maintenant des cycles dynamiques Ă©quilibrĂ©s. Peut-ĂȘtre est-il temps de sortir du tout ou rien de la rivalitĂ© en considĂ©rant par exemple un Ă©tang rempli de poissons comme une richesse renouvelable (donc pas si rare que cela si l’on s’en donne les moyens), et le savoir d’une bibliothĂšque, fut-elle numĂ©rique, comme un bien dont il faut prendre soin pour en assurer la pĂ©rennitĂ© (donc pas si inĂ©puisable que cela si l’on n’y prend garde).

A cet Ă©gard, il est assez significatif de constater que dans l’effort de dĂ©finition du commun ce sont des couples sĂ©mantiques binaires qui s’opposent la plupart du temps (tangible/intangible, matĂ©riel/immatĂ©riel, raretĂ©/profusion, exclusif/inclusif, appropriable/non appropriable, etc
), ce clivage allant mĂȘme jusqu’à s’illustrer par l’opposition radicale et clairement revendiquĂ©e entre diffĂ©rents auteurs9 alors qu’en termes de mise en « communs », on pourrait supposer que la richesse est dans l’hybridation et la contextualisation dans le temps et l’usage.

LĂ  oĂč, Ă  la suite d’Elinor Ostrom10, l’on s’accorde Ă  dire que les communs ouvrent un espace de libertĂ© entre bien privĂ© et bien public en offrant la possibilitĂ© de dĂ©ployer un ensemble de faisceaux de droits11 variĂ©s relatifs Ă  diffĂ©rents niveaux de propriĂ©tĂ©, on ne s’est peut-ĂȘtre pas encore attardĂ© suffisamment sur l’analyse d’une taxonomie dynamique ouvrant un champ de libertĂ©s comparable sur le plan des transactions par la dĂ©finition d’un ensemble de faisceaux de qualitĂ©s non nĂ©cessairement opposables. C’est ainsi que nous proposons de crĂ©er collectivement une matrice de qualitĂ©s qui permettrait de dĂ©finir l’essence  du commun, son pĂ©rimĂštre, et par voie de consĂ©quence ses modes possibles d’interactions avec l’extĂ©rieur, c’est-Ă -dire sa fonction sociale, Ă©ventuellement monnayable.

ConsidĂ©rons enfin que derriĂšre chaque choix de licence, il existe, qu’on le veuille ou non, un choix politique, moral, social,
 souvent implicites que l’on peut qualifier de faisceau de valeurs. Nous proposons d’expliciter ces valeurs pour les socialiser clairement et permettre des transactions sereines oĂč chaque interlocuteur peut valablement dĂ©cider de son implication contributive dans le commun. Cela aurait le mĂ©rite de sortir de la projection individuelle sur ce qu’est et n’est pas un commun (qui peut mener par exemple Ă  confondre commun et inclusivitĂ©, ou commun et gratuitĂ©) ou sur ce qu’est une transaction Ă©quitable ou une rĂ©tribution juste (ce qui peut mener Ă  une fiĂšvre Ă©valuatrice telle qu’elle provoque nĂ©cessairement l’apparition d’imposteurs12).

Un faisceau de licences géré comme un commun

Faisceaux de qualitĂ©s, faisceaux de valeurs, faisceaux de richesses, et faisceaux de droits : on comprend bien lĂ  la difficultĂ© de crĂ©er une licence qui rendrait compte de maniĂšre universelle d’une telle complexitĂ© ! C’est Ă  partir de ce constat que nous proposons une façon diffĂ©rente d’envisager la licence Ă  rĂ©ciprocitĂ© dans le cadre des communs, en se remĂ©morant que “pour Garrett Hardin [pourtant farouche opposant aux communs, ndl], la tragĂ©die des biens communs ne peut ĂȘtre rĂ©solue que par l’imposition d’une rĂ©glementation admise par tous, autrement dit un pouvoir dĂ©mocratique”13.

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PlutĂŽt que de la rĂ©duire Ă  une tentative de maĂźtriser la transaction fondĂ©e sur la peur de l’iniquitĂ© ou la volontĂ© d’imposer une philosophie ou un mode d’évaluation, nous proposons tout d’abord une solution qui s’ancre dans la confiance et l’autonomie, et qui prend en compte la dimension sociale de l’échange, y compris Ă  l’intĂ©rieur du commun lui-mĂȘme. C’est en socialisant la transaction qu’on tente de lui ĂŽter son potentiel arbitraire donc violent. Et nous partirons donc du principe que tout interlocuteur Ă©tant autorisĂ© Ă  faire usage du commun est nĂ©cessairement un contributeur dont la contribution est accueillie avec bienveillance par la communautĂ©, quelle que soit la forme de cette contribution, y compris si elle est monĂ©taire. PrĂ©cisons ici qu’exprimer sa gratitude par un remerciement ou un signe Ă©vident comme un clic sur un bouton “J’apprĂ©cie votre travail” ou participer Ă  la notoriĂ©tĂ© d’une  oeuvre de l’esprit en la dissĂ©minant peut dĂ©jĂ  ĂȘtre considĂ©rĂ© comme une contribution. La licence serait donc idĂ©alement constituĂ©e de rĂšgles d’inclusion, plus ou moins nombreuses permettant d’accĂ©der au commun en tout ou partie.

PlutĂŽt que de faire porter Ă  la licence elle-mĂȘme la responsabilitĂ© de vĂ©hiculer un nombre de concepts quasiment indĂ©nombrables, nous proposons ensuite de dĂ©porter cette responsabilitĂ© sur les communautĂ©s en charge de la gestion et de la protection de leur commun (une communautĂ© pouvant ĂȘtre constituĂ©e d’un seul individu). Il serait alors clairement Ă©crit dans le texte de la licence que chaque commun souhaitant utiliser la Licence Contributive Commons est individuellement responsable de mettre Ă  la disposition des contributeurs un texte dĂ©finissant clairement : ses qualitĂ©s, ses valeurs, sa façon d’envisager le flux de richesses (y compris monĂ©taire) et les droits qui se rattachent au commun (y compris les droits de propriĂ©tĂ©). Nous proposons d’appeler ce texte code social14, en rĂ©fĂ©rence au code logiciel qui sous-tend les applications numĂ©riques et au contrat social proposĂ© par la communautĂ© Debian15.

Pour que cette licence soit applicable Ă  tous les types de biens communs, y compris les plus labiles, les plus Ă©phĂ©mĂšres et les plus autonomes dans leur voyage, il conviendra de ne pas coller le code social sur le commun lui-mĂȘme (au risque d’avoir une Ă©tiquette en circulation rapidement obsolĂšte), mais de crĂ©er un lieu commun de stockage de ces codes sociaux, de maniĂšre Ă  garantir au contributeur qu’il aura accĂšs en permanence aux conditions prĂ©cises d’utilisation du commun auquel il souhaite contribuer. Il s’agit tout simplement de faire appel à un tiers de confiance, ce qui est l’essence mĂȘme de la socialisation puisque cela permet de mettre en jeu un élĂ©ment extĂ©rieur Ă  la transaction pour la rĂ©guler.

La Licence Contributive Commons pourrait donc ĂȘtre gĂ©rĂ©e comme un commun par la communautĂ© de ses contributeurs avec mise en circulation d’un identifiant unique du commun accolĂ© Ă  une adresse permettant d’accĂ©der au lieu de stockage collectif de l’information dĂ©taillĂ©e (URL). Pour des raisons de lisibilitĂ©, les principaux points du code social pourraient apparaĂźtre sous forme rĂ©sumĂ©e ou visuelle mais, Ă  l’instar des licences Creative Commons, le texte faisant juridiquement foi serait clairement identifiĂ© comme celui Ă©tant disponible sur le site internet de rĂ©fĂ©rence de la communautĂ©.

Les conditions d’une transaction Ă©tant liĂ©e Ă  l’instant T oĂč celle-ci s’opĂšre, il conviendra Ă©galement de prĂ©voir un systĂšme d’historisation du code social (dont la validitĂ© serait garantie par un notariat numĂ©rique) permettant de consulter les conditions Ă  un temps donnĂ© s’il devait y avoir litige (par exemple on ne pourra pas ĂȘtre condamnĂ© a posteriori pour avoir fait usage commercial sans contribution monĂ©taire d’un commun devenu monnayable aprĂšs un temps de gratuitĂ©). A noter ici la diffĂ©rence fondamentale avec blockchain : ce protocole est un historique dĂ©centralisĂ© des transactions elles-mĂȘmes, or ici l’on souhaite simplement historiser des versions des conditions des transactions, sans obligation de corrĂ©lation avec un cryptage.

En thĂ©orie, il y aurait donc une licence par commun, voire hypothĂ©tiquement une licence par transaction, mais dans la pratique, rien n’empĂȘche la rĂ©plicabilitĂ© d’une  licence crĂ©Ă©e par un commun dans un contexte prĂ©cis qui serait applicable dans un contexte similaire. Les diffĂ©rentes licences pourraient s’appliquer Ă  diffĂ©rents types de structures : communautĂ©s, projets, objets, oeuvres de l’esprit,… dans un systĂšme sous formes de “poupĂ©es russes” : un individu pourrait par exemple choisir de relier son texte au code social d’un projet qui est lui mĂȘme reliĂ© au code social d’une communautĂ©, voire de le relier directement Ă  une des licences globales proposĂ©e par la communautĂ©-racine qui lui conviendrait16.

On pourra donc travailler collectivement Ă  l’élaboration de matrices faciles Ă  partager et disponibles sous forme d’URL gĂ©nĂ©riques pour les communs souhaitant s’en emparer. C’est ici un processus stigmergique17 qui finirait par Ă©tablir quelles licences sont massivement utilisĂ©es et lesquelles tombent naturellement en dĂ©shĂ©rence pour diverses raisons (dĂ©faut de conception, etc
)

Des exemples de matrices Ă  jardiner collectivement

Faisceau de qualités de la ressource

Les qualitĂ©s d’un commun sont les caractĂ©ristiques principales de la ressource gĂ©rĂ©e (informationnel, tangible,
), son statut juridique (collectif informel, association, coopĂ©rative, entreprise, etc
), et la nature de la ressource mise en commun (biens, connaissances, pratiques,
).

Faisceau de valeurs de la communauté

Tous les projets entre pairs ne sont pas gĂ©rĂ©s de la mĂȘme maniĂšre. C’est l’objectif du projet qui va dĂ©terminer le type de gouvernance et les rĂšgles du groupe. Dans les projets entre pairs, les formes d’autoritĂ© sont souples et adaptĂ©es 18. Le choix d’un type de gouvernance fait donc partie intĂ©grante d’un projet global Ă©noncĂ© dans une sĂ©rie de valeurs considĂ©rĂ©es comme importantes et fondatrices pour la communautĂ©, mais aussi mises en oeuvre dans les pratiques : la responsabilitĂ© commune ou les intĂ©rĂȘts communs que la
communautĂ© entend prĂ©server, son rapport Ă  la nature, Ă  l’art, Ă  la formation, Ă  la technologie, au partage, etc.

Faisceau de droits du commun

« le pouvoir de concevoir le droit au niveau opĂ©rationnel est ce qui rend les droits de choix collectifs si puissants » 19. Pour chaque commun, on peut ainsi dĂ©finir les droits d’accĂšs, passage, usage, modification, etc
, la rĂ©partition de ces droits auprĂšs des diffĂ©rentes catĂ©gories de contributeurs (usagers, partenaires, acteurs privĂ©s et publics
) et les conditions de modification de ces droits.

Faisceau de richesses du commun

Les externalitĂ©s du commun sont prises en compte dans une matrice de richesses clairement Ă©tablie. Il s’agit donc ici de formaliser les types de richesses reconnues par le commun (monĂ©taires ou non), ses
sources de financement, et comment il entend gĂ©rer leurs flux en fonction des diffĂ©rentes catĂ©gories de contributeurs, sous la forme de contrats de rĂ©ciprocitĂ© ou de matrice de rĂ©ciprocitĂ© (incluant possiblement le partage, le don et la gratuitĂ©) ainsi qu’une description de la redistribution des flux en interne.

Un label incitatif

L’explicitation des quatre types de faisceaux permet, si ce n’est de trouver une dĂ©finition universelle des communs, du moins d’établir une liste de critĂšres variĂ©s donnant une Êșcarte d’identitĂ©Êș du commun considĂ©rĂ©. C’est pourquoi, pour complĂ©ter le dispositif, nous proposons la mise en place d’un label incitatif qui permettrait Ă  chaque commun de s’autodĂ©terminer et de tracer des axes d’amĂ©liorations dans la gestion de la ressource.

Une premiÚre proposition de caractérisation de ce type a été réalisée par Simon Sarazin sur le site http://encommuns.org/ :

Les consĂ©quences d’une rĂ©ciprocitĂ© rĂ©elle

 

Une licence qui demande Ă  structurer une communautĂ© autour d’elle

On l’a vu, plus qu’une licence, le dispositif proposĂ© ici est composĂ© de 4 outils articulĂ©s entre eux.

Dans ce cadre, il est Ă©vident que cette proposition de licence gĂ©rĂ©e collectivement implique de lĂącher prise sur l’idĂ©e d’une licence universelle qui s’auto-dissĂ©mine sans effort. La Licence Contributive Commons est, par essence, et comme son nom l’indique, une licence qui demande une contribution, c’est Ă  dire une implication relationnelle fondĂ©e sur le pair Ă  pair, notion qu’il ne faut pas confondre avec la rĂ©surgence d’un Ă©galitarisme qui serait issu de la pensĂ©e anarchiste. Est localement et ponctuellement mon pair toute personne physique ou morale qui accepte une transaction relationnelle dont les rĂšgles du jeu sont explicitement fixĂ©es Ă  l’avance, quelle que soit la nature, les compĂ©tences ou les qualitĂ©s intrinsĂšques de ce pair dont j’accepte et respecte par ailleurs l’irrĂ©ductible altĂ©ritĂ©.

Une rédaction des faisceaux dévolue avec confiance à la communauté en charge du commun

Chaque communautĂ© sera en charge d’élaborer ses matrices (qualitĂ©s, valeurs, droits, richesses), par exemple :

  • C’est Ă  chaque communautĂ© de dĂ©terminer quel degrĂ© d’implication elle trouve nĂ©cessaire pour dĂ©signer explicitement un utilisateur comme contributeur non financier et quelle grille tarifaire elle applique aux contributeurs financiers.
  • C’est Ă©galement Ă  elle de dĂ©finir clairement ses valeurs, celles qui seront accolĂ©es Ă  l’objet de la transaction y compris quand cet objet sera sorti du commun.
  • C’est Ă  la communautĂ© toujours de dĂ©terminer les conditions dans lesquelles elle souhaite recevoir les contributions, par exemple sous la forme d’une matrice de rĂ©ciprocité explicite (incluse dans le code social) dont le contributeur ainsi Ă©clairĂ© peut s’emparer en toute connaissance de cause. C’est dans cette matrice (qui n’est rien d’autre qu’un grille tarifaire claire et Ă©ventuellement conditionnelle) que la communautĂ© peut prĂ©ciser les modalitĂ©s pratiques du versement d’une contribution (compte Gratipay, Liberapay, RIB, plateforme, etc
).
  • C’est Ă  elle enfin de dĂ©terminer les conditions d’une redistribution Ă©ventuelle des richesses composant le commun.

Une consĂ©quence intĂ©ressante de cette licence est par exemple que mĂȘme si un.e auteur.e dĂ©cide de ne pas imposer de mention nominative, ille peut tout de mĂȘme dĂ©finir une relation de son Ɠuvre Ă  un faisceau de valeurs ou un contexte historique dont ille souhaite favoriser la dissĂ©mination. Sans imposer cette philosophie au contributeur financier faisant usage de l‘oeuvre, l’auteur.e permet nĂ©anmoins Ă  l’utilisateur final de connaĂźtre la filiation philosophique de l’objet. Charge Ă  l’intermĂ©diaire d’expliquer Ă  un utilisateur final pourquoi il y a Ă©ventuellement incohĂ©rence entre les valeurs vĂ©hiculĂ©es et son propre comportement


L’auteur.e a Ă©galement tout loisir de fixer un montant de contribution nulle s’ille le souhaite (ou sous la forme d’une biĂšre comme dans la licence Beerware, d’un don Ă  une oeuvre caritative comme dans la licence Careware, etc…)etc.), ou de fixer des conditions de redistribution trĂšs lĂ©gĂšres (Ă  l’instar de la
licence BSD par exemple, qui « est l’une des moins restrictives dans le monde informatique et s’approche de la notion de “domaine public” »). Cette licence permet donc d’ouvrir un champ beaucoup plus riche de possibilitĂ©s, adaptables Ă  toutes les situations, et qui ne cherche pas Ă  imposer telle ou telle maniĂšre de procĂ©der. Une fois encore, c’est l’usage, Ă©ventuellement couplĂ© Ă  une Ă©valuation par les pairs, qui feraient Ă©merger les structures les plus efficaces.

C’est lĂ  oĂč nous pensons que les promoteurs d’une telle licence doivent probablement d’ores et dĂ©jĂ  accepter qu’il est possible, Ă  la toute fin du processus, que l’on s’aperçoive que ce ne sont pas les pratiques les plus vertueuses qui perdurent, mĂȘme et y compris dans un systĂšme pair Ă  pair et contributif… Un fonctionnement qui respecte le pair y compris lorsque l’identitĂ© de celui-ci va Ă  l’encontre de toutes ses valeurs, c’est faire le pari d’une intelligence collective dĂ©veloppĂ©e sur le long terme grĂące Ă  une structure pensĂ©e comme inconditionnellement bienveillante a priori et qui exprime explicitement ses valeurs sans jamais les rendre coercitives dans la transaction. Respecter ne signifie pas entrer en relation bien entendu. A tout moment, une communautĂ© garde le droit inaliĂ©nable d’autoriser ou de ne pas autoriser la transaction selon des critĂšres qui lui sont propres (arbitraires vus de l’extĂ©rieur donc), qui ne sont pas imposĂ©s par une structure extĂ©rieure, et qu’il conviendra d’expliciter clairement Ă©galement.

Un fonctionnement de pair Ă  pair entre les communs eux-mĂȘmes

Pour pouvoir utiliser cette licence, la communautĂ© en charge du commun doit avoir une maturitĂ© qui lui permet d’appliquer ces rĂšgles du jeu en interne. En effet, pour produire un code social ou une matrice de rĂ©ciprocitĂ©, une communautĂ© doit nĂ©cessairement passer par un processus garantissant la lĂ©gitimitĂ© de ces textes Ă  l’intĂ©rieur de sa communautĂ©, dans le lieu de la transaction, mais aussi aux yeux du lĂ©gislateur si un appel Ă  la loi devait se faire.

On peut trĂšs bien envisager alors que la communautĂ© en charge de la gestion et de la protection de la Licence Contributive Commons propose de l’aide aux communs qui en feraient la demande, dans un fonctionnement de pair Ă  pair applicable aux structures et non plus seulement aux individus, et selon un mode de croissance organique.

Un commun candidat Ă  l’utilisation de la licence (c’est Ă  dire qui souhaite faire valider son code social) pourrait bĂ©nĂ©ficier :

  • de prĂ©conisations quand au choix d’une licence existante
  • d’une aide Ă  la rĂ©daction des matrices
  • d’une aide juridique en cas de litige
  • d’une auto-Ă©valuation accompagnĂ©e par des pairs (label incitatif)

Quand on y rĂ©flĂ©chit, les chambres des communs seraient bien placĂ©es pour assurer localement ces missions d’accompagnement, dans un systĂšme distribuĂ© qui pourrait ĂȘtre holacratique en lien avec la communautĂ©-racine et les assemblĂ©es des communs.

Pour mĂ©moire : l’holacratie est un systĂšme d’organisation de la gouvernance, basĂ© sur la mise en Ɠuvre formalisĂ©e de l’intelligence collective. OpĂ©rationnellement, elle permet de dissĂ©miner les mĂ©canismes de prise de dĂ©cision au travers d’une organisation fractale d’Ă©quipes auto-organisĂ©es20. Ceci Ă©tant, la plupart des reprĂ©sentations graphiques de ce systĂšme d’organisation “aplatissent” les spĂ©cificitĂ©s individuelles en reprĂ©sentant souvent les diffĂ©rents niveaux par des cercles de plus ou moins grande taille. Ce que nous tentons de faire comprendre ici, c’est l’infinie richesse d’un pair Ă  pair socialisĂ© dans la reconnaissance des spĂ©cificitĂ©s individuelles Ă  toutes les Ă©chelles.

Une monnaie décentralisée et basée sur une abondance mesurable

Proposer une Licence Contributive Commons ne peut sans doute pas se faire sans Ă©voquer la question de la monnaie ou du moins de l’évaluation des transactions. Faire sociĂ©tĂ©, ce n’est pas seulement Ă©tablir une gouvernance, c’est Ă©galement trouver le moyen de quantifier la transaction de maniĂšre Ă  ce que les deux parties se sentent satisfaites. A l’instar des monnaies locales, c’est Ă©galement un moyen de protĂ©ger l’espace de transaction des communs et de favoriser la consommation Ă  l’intĂ©rieur de cet espace.

Ainsi, si nous avons envisagĂ© les flux entres les communs et leurs partenaires externes privĂ©s ou publics dans le cadre de la construction d’un dispositif de rĂ©ciprocitĂ©, une vĂ©ritable Ă©conomie des communs se construit Ă©galement sur le ÊșmarchĂ© interneÊș, de commun Ă  commun, tout particuliĂšrement pour les communs numĂ©riques. Il n’est ainsi pas rare qu’un contributeur participe Ă  plusieurs communs diffĂ©rents, crĂ©ant des passerelles et des rĂ©ciprocitĂ©s plus ou moins explicites entre eux. Des compĂ©tences, des technologies, des connaissances, des contributions, mais aussi parfois de la monnaie sont Ă©changĂ©s dans ce rĂ©seau encore largement informel, au point que la question se pose d’établir une certaine transparence Ă  propos de ces flux afin de rendre mesurable cette abondance de
réciprocités.

Nous dĂ©passons lĂ  largement le champ d’expertise de l’auteure, mais nous aimerions tout de mĂȘme soulever quelques questions pour les porter Ă  la rĂ©flexion.

Si l’on porte un bref regard Ă  l’histoire de la monnaie, on est frappĂ© par plusieurs points :

  • avant mĂȘme la mise en place de la rĂ©ciprocitĂ©, le don inconditionnel Ă©tait la norme dans les groupes de chasseurs cueilleurs et l’exigence d’un contre-don est apparu avec la mise en place de rĂšgles sociales de type claniques dĂ©coulant de la possibilitĂ© de stocker des marchandises21.
  • avant l’invention de la monnaie, lorsque les Ă©changes de biens se suffisaient Ă  eux-mĂȘmes dans de petites communautĂ©s, et lorsque le bien matĂ©riel venait Ă  manquer, il Ă©tait possible d’échanger du temps de travail pour rendre la transaction Ă©quitable. Dans l’histoire de la monnaie, on a fini par confondre les Ă©changes de monnaie avec des Ă©changes de droits de propriĂ©tĂ©, mais cela n’a rien d’intrinsĂšque au medium et cela peut ĂȘtre questionnĂ©. On pourrait trĂšs bien considĂ©rer la monnaie comme un Ă©change de temps ;
  • un medium tel que la monnaie sert essentiellement Ă  dĂ©porter temporellement le troc. On ne troque plus directement deux biens, mais un bien contre sa valeur estimĂ©e d’un commun accord (celui-ci pouvant ĂȘtre tacite : au moment mĂȘme oĂč la transaction a lieu, j’accepte le prix que tu as posĂ© sur l’étiquette). La monnaie en circulation reprĂ©senterait en quelque sorte l’ensemble des transactions de troc de biens non terminĂ©es ;
  • il est important de noter la distinction entre un systĂšme d’historisation dĂ©centralisé basĂ© sur la confiance que se font mutuellement deux individus (avant l’invention de la monnaie, la mĂ©moire de la valeur troquĂ©e dĂ©portĂ©e se trouvait dans la tĂȘte de chaque individu), et un systĂšme d’historisation centralisĂ© (la mĂ©moire de cette dette se trouve sur des documents Ă©crits dont la lĂ©gitimitĂ© est assurĂ©e par un tiers de confiance) ;
  • il a existé des monnaies efficientes qui n’étaient pas basĂ©es sur un principe de rareté (grain de blĂ©, graine de cacao, grain de poivre, feuille de tabac, peau de bĂȘtes, morue sĂ©chĂ©e, feuilles de thĂ©, etc). Ce qui importait c’était que l’étalon soit susceptible d’ĂȘtre crĂ©dible et acceptĂ© par tous. Curieusement, « les crypto-monnaies cherchent Ă  imiter la raretĂ© (et la valeur) des mĂ©taux prĂ©cieux« 22: pour quelle raison ?

La communautĂ© en charge de la gestion et de la protection de la Licence Contributive Commons pourrait donc adopter en interne une (ou des) monnaies dĂ©centralisĂ©es, abondantes, Ă©ventuellement basĂ©es sur le temps, en prenant soin d’expliciter la pluralitĂ© des valeurs (notamment humaines) qui s’échangent au moment de la transaction par une re-contextualisation des Ă©changes via le code social notamment. On pourra sans doute s’inspirer valablement d’une dĂ©marche comme celle de la proposition de monnaie temporelle Kronos ou de l’idĂ©e de « jobcoin » Ă©voquĂ©e dans cette histoire prospective.23

Faut-il rendre l’élan contributif mesurable ?

L’introduction d’une monnaie dans les flux contributifs n’est pourtant pas sans risque. L’expĂ©rimentation de la Wikimonnaie instaurĂ©e chez WikipĂ©dia a montrĂ© qu’un tel systĂšme « altĂ©rait
profondĂ©ment la nature de la motivation contributive et des relations intercommunautaires. La communautĂ© encyclopĂ©dique tendait Ă  se mĂ©tamorphoser en marchĂ© de l’intĂ©rieur ; le wikipĂ©dien devenait un capitaliste, calculant rationnellement l’investissement des jetons et la pĂ©rennisation de son capital » ce qui fut l’occasion de montrer Ă  quel point « cette colonisation interne peut altĂ©rer profondĂ©ment les motivations des commoners »24.

En effet, « toutes ces innovations autour de la construction de biens communs apportent de nouvelles formes de crĂ©ation de valeur » et « ces communautĂ©s s’appuient sur la confiance et la rĂ©ciprocitĂ© sociale »25 qui sont des Ă©lĂ©ments subjectifs non mesurables. Vouloir les objectiver, n’est-ce pas dĂ©jĂ  les faire disparaĂźtre ? Mais nous dĂ©passons lĂ  largement le cadre de cet article, la question de la monĂ©tisation des contributions pouvant faire l’objet d’une Ă©tude Ă  part entiĂšre…


Conclusion

La Licence Contributive Commons vise explicitement Ă  diffuser largement (y compris, pourquoi pas, au-delĂ  des communs) une vision de l’économie politique qui soit porteuse d’espoir. Le monde vit en ce moment mĂȘme une transition de phase majeure26 : cette proposition de licence vient simplement tenter de formaliser une intelligence collective et un mode d’auto-organisation tendant vers une nouvelle homĂ©ostasie qui sont dĂ©jĂ  en train de se dĂ©ployer massivement dans les faits. Il nous paraĂźt d’ailleurs important de souligner ici que ce travail est le fruit de rĂ©flexions et d’expĂ©rimentations collectives actuellement menĂ©es au sein
de l’AssemblĂ©e des Communs de Lille et de la P2P Foundation France.

La Licence Contributive Commons n’impose aucun mode de fonctionnement, elle tente de s’affranchir de tout positionnement arbitraire ou idĂ©ologique et propose avant tout un cadre de fonctionnement gĂ©nĂ©ral visant Ă  protĂ©ger les communs et Ă  favoriser leur dĂ©veloppement. Elle porte en elle une valeur forte qui, elle, est non nĂ©gociable : celle de considĂ©rer le commerce comme non rĂ©ductible Ă  un Ă©change monĂ©taire27 mais comme le soin donnĂ© Ă  la pĂ©rennisation d’un flux de richesses renouvelables entre des pairs.

Outre le respect que l’on porte Ă  nos pairs humains dans nos interactions avec eux via une socialisation explicite de ces interactions, cette philosophie nous ouvre Ă©galement la voie vers la possibilitĂ© de considĂ©rer la nature et la vie comme des pairs Ă  part entiĂšre28. La communautĂ© en charge de leur prĂ©servation deviendrait alors le porte-parole de ce pair Ă  l’intĂ©rieur d’une Ă©conomie globale de la fĂ©conditĂ© dans un faisceau permaculturel complexe d’interdĂ©pendances symbiotiques29 oĂč toute contribution devient fertilisante pour peu qu’on s’accorde Ă  l’accueillir a priori comme telle.

Ce texte a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© par MaĂŻa Dereva avec les contributions prĂ©cieuses de Michel Bauwens, Simon Sarazin, Christian Dupuy, Julien Cantoni, Pierre Trendel, Nicolas Brun, ValĂ©rie Lafont, et beaucoup d’autres…